Apostillas para una obra invisible

cacité théoriques –, et par là même une image critiquant nos façons de voir au moment où, nous regardant, elle nous oblige à la regarder vraiment» 25 Mais aucune image ne serait capable de se détotaliser elle-même à partir d’elle-même ; aucune dialectique visuelle ne saurait rendre le visible hétérogène à lui-même par la seule voie du visuel. Comme le remarque Gérard Wajcman 26 , Freud a bien su démontrer que les affaires d’images ne se résolvent pas au moyen des images, mais en fonction de leur rapport à la parole. En effet, si la dématérialisation implique un maniement du destin des images qui redistribue les rapports entre le visible et le dicible, alors cela serait bien difficile à faire sans prendre appui sur le langage. Seul le signifiant est en état d’introduire l’hétérogénéité nécessaire pour détotaliser l’image et la retourner contre elle même. En ce sens, Benjamin 27 avait largement raison lorsqu’il identifiait dans la langue le lieu où il était possible d’approcher l’image dialectique. En fait, les différents pratiques visuelles de l’art dématérialisé, se lais- sent discerner en fonction des articulations du signifiant que, suivant de très près le texte freudien, Lacan 28 reconnaissait comme le res- sort fondamental des formations de l’inconscient. On a déjà souligné combien le travail de Rojas se serve de l’acte manqué pour donner lieu à son œuvre, mais on pourrait aussi identifier dans tous les travaux l’action de la condensation, du déplacement et, surtout, de la prise en considération de la figurabilité dans lesquels Freud 29 voyait l’essentiel du travail du rêve . En ce sens, il y a plus de cinquante ans qu’Octave Mannoni 30 a suggéré de compter l’œuvre d’art parmi les formations de l’inconscient, en rapprochant l’art et mot d’esprit qui partageraient la condition d’être des artifices produits par une technique (verbale dans le mot d’esprit, plastique dans les arts visuels). Mais la dématérialisation n’est pas uniquement l’affaire d’un travail du signifiant pouvant articuler une dialectique des images. N’étant pas uniquement concerné par le destin des images, la dématérialisa- tion relève également d’un partage particulier du sensible qui réus- sit à faire advenir une place vide d’image entre les images. Or, c’est précisément dans ce vide que l’art dématérialisé compte placer un

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