Apostillas para una obra invisible

à minimiser la portée d’un terme dont, comme l’observe Lillemose 5 , tout l’intérêt dérive justement de son ambigüité et des antinomies qu’il abrite. Avec Lippard Selon Lippard, la dématérialisation viserait à caractériser quelques pratiques artistiques qui, comprenant des travaux aussi divers que les happenings de Allan Kaprow, les lithographies de Gilbert & George, le Land Art de Robert Smithson ou les instructions de Robert Ba- rry, accentuent «presque exclusivement le processus de pensée» au mépris de l’intérêt «pour l’évolution physique des œuvres d’art» 6 . Il s’agirait donc d’un affaissement du caractère matériel des travaux où « l’idée a une très grande place et la forme matérielle est secondaire, de moindre importance, éphémère, bon marché, sans prétentions et/ ou ‘dématérialisée» 7 . Cependant, il est fort difficile d’accepter cette idée. Même si le maté- riel est fragile, labile, précaire, volatil ou instable, cela n’implique pas que l’œuvre aurait une matérialité affaiblie. De fait, on ne voit pas en quoi un texte, un geste, un message ou une parole seraient moins matériels qu’une toile, un dessin ou une boîte de soupe. Cinq ans après son texte inaugural, Lippard a considéré opportun de se corriger précisément sur ce point, en indiquant que la dématéri- alisation ne concernait pas tellement les conditions matérielles des œuvres, mais plutôt un «retrait de l’accent mis sur les aspects matér- iaux (singularité, permanence, attrait décoratif)» 8 . Il ne serait donc pas «question du degré de matérialité d’une œuvre», mais plutôt «de ce que l’artiste est en train de faire avec [la matérialité]» 9 . Selon Lippard, ce travail de dématérialisation concerne surtout «l’art comme objet» pouvant même «avoir pour effet que l’objet devienne complètement obsolète» 10 . Autrement dit, l’artiste ne dématérialise pas lorsqu’il cherche à diminuer les attributs physiques de l’objet, mais quand il opère sur la matérialité pour vouer l’objet à l’obsoles- cence. En ce sens, Lillemose 11 propose de réconsidérer la dématérial- isation comme une approche conceptuelle de la matérialité où celle-